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avec autorit� pour r�pondre � un geste plein de superbe que Lucien laissa �chapper. Loin de trouver un libraire qui veuille risquer deux mille francs pour un jeune inconnu, vous ne trouverez pas un commis qui se donne la peine de lire votre griffonnage. Moi, qui l'ai lu, je puis vous y signaler plusieurs fautes de fran�ais. Vous avez mis observer pour faire observer, et malgr� que. Malgr� veut un r�gime direct. Lucien parut humili�. - Quand je vous reverrai, vous aurez perdu cent francs, ajouta-t-il, je ne vous donnerai plus alors que cent �cus. Il se leva, salua, mais sur le pas de la porte il dit : - Si vous n'aviez pas du talent, de l'avenir, si je ne m'int�ressais pas aux jeunes gens studieux, je ne vous aurais pas propos� de si belles conditions. Cent francs par mois ! Songez-y. Apr�s tout, un roman dans un tiroir, ce n'est pas comme un cheval � l'�curie, �a ne mange pas de pain. A la v�rit�, �a n'en donne pas non plus ! Lucien prit son manuscrit, le jeta par terre en s'�criant : - J'aime mieux le br�ler, monsieur ! - Vous avez une t�te de po�te, dit le vieillard. Lucien d�vora sa fl�te, lappa son lait et descendit. Sa chambre n'�tait pas assez vaste, il y aurait tourn� sur lui-m�me comme un lion dans sa cage au Jardin-des-Plantes. A la biblioth�que Sainte-Genevi�ve, o� Lucien comptait aller, il avait toujours aper�u dans le m�me coin un jeune homme d'environ vingt-cinq ans qui travaillait avec cette application soutenue que rien ne distrait ni d�range, et � laquelle se reconnaissent les v�ritables ouvriers litt�raires. Ce jeune homme y venait sans doute depuis long-temps, les employ�s et le biblioth�caire lui-m�me avaient pour lui des Etudes de moeurs. 2e livre. Sc�nes de la vie de province. T. 4. Illusions perdues. 2. Un grand homme de pro 33 Illusions perdues. 2. Un grand homme de province � Paris complaisances ; le biblioth�caire lui laissait emporter des livres que Lucien voyait rapporter le lendemain par le studieux inconnu, dans lequel le po�te reconnaissait un fr�re de mis�re et d'esp�rance. Petit, maigre et p�le, ce travailleur cachait un beau front sous une �paisse chevelure noire assez mal tenue, il avait de belles mains, il attirait le regard des indiff�rents par une vague ressemblance avec le portrait de Bonaparte grav� d'apr�s Robert Lefebvre. Cette gravure est tout un po�me de m�lancolie ardente, d'ambition contenue, d'activit� cach�e. Examinez-la bien ! Vous y trouverez du g�nie et de la discr�tion, de la finesse et de la grandeur. Les yeux ont de l'esprit comme des yeux de femme. Le coup d'oeil est avide de l'espace et d�sireux de difficult�s � vaincre. Le nom de Bonaparte ne serait pas �crit au-dessous, vous le contempleriez tout aussi long-temps. Le jeune homme qui r�alisait cette gravure avait ordinairement un pantalon � pied dans des souliers � grosses semelles, une redingote de drap commun, une cravate noire, un gilet de drap gris, m�lang� de blanc, boutonn� jusqu'en haut, et un chapeau � bon march�. Son d�dain pour toute toilette inutile �tait visible. Ce myst�rieux inconnu, marqu� du sceau que le g�nie imprime au front de ses esclaves, Lucien le retrouvait chez Flicoteaux le plus r�gulier de tous les habitu�s ; il y mangeait pour vivre, sans faire attention � des aliments avec lesquels il paraissait familiaris�, il buvait de l'eau. Soit � la biblioth�que, soit chez Flicoteaux, il d�ployait en tout une sorte de dignit� qui venait sans doute de la conscience d'une vie occup�e par quelque chose de grand, et qui le rendait inabordable. Son regard �tait penseur. La m�ditation habitait sur son beau front noblement coup�. Ses yeux noirs et vifs, qui voyaient bien et promptement, annon�aient une habitude d'aller au fond des choses. Simple en ses gestes, il avait une contenance grave. Lucien �prouvait un respect involontaire pour lui. D�j� plusieurs fois, l'un et l'autre ils s'�taient mutuellement regard�s comme pour se parler � l'entr�e ou � la sortie de la biblioth�que ou du restaurant, mais ni l'un ni l'autre ils n'avaient os�. Ce silencieux jeune homme allait au fond de la salle, dans la partie situ�e en retour sur la place de la Sorbonne. Lucien n'avait donc pu se lier avec lui, quoiqu'il se sent�t port� vers ce jeune travailleur en qui se trahissaient les indicibles sympt�mes de la sup�riorit�. L'un et l'autre, ainsi qu'ils le reconnurent plus tard, ils �taient deux natures vierges et timides, adonn�es � toutes les peurs dont les �motions plaisent aux hommes solitaires. Sans leur subite rencontre au moment du d�sastre qui venait d'arriver � Lucien, peut-�tre ne se seraient-ils jamais mis en communication. Mais en entrant dans la rue des Gr�s, Lucien aper�ut le jeune inconnu qui revenait de Sainte-Genevi�ve. - La biblioth�que est ferm�e, je ne sais pourquoi, monsieur, lui dit-il. En ce moment Lucien avait des larmes dans les yeux, il remercia l'inconnu par un de ces gestes qui sont plus �loquents que le discours, et qui, de jeune homme � jeune homme, ouvrent aussit�t les coeurs. Tous deux descendirent la rue des Gr�s en se dirigeant vers la rue de La Harpe. - Je vais alors me promener au Luxembourg, dit Lucien. Quand on est sorti, il est difficile de revenir travailler. - On n'est plus dans le courant d'id�es n�cessaires, reprit l'inconnu. Vous paraissez chagrin, monsieur ? - Il vient de m'arriver une singuli�re aventure, dit Lucien. Il raconta sa visite sur le quai, puis celle au vieux libraire et les propositions qu'il venait de recevoir ; il se nomma, et dit quelques mots de sa situation. Depuis un mois environ, il avait d�pens� soixante francs pour vivre, trente francs � l'h�tel, vingt francs au spectacle, dix francs au cabinet litt�raire, en tout cent vingt francs ; il ne lui restait plus que cent vingt francs.
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