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La question qui nous int�resse le plus n'est pas la plus simple ; je ne puis que le regretter. En d�pit de ce Je qui ne change point, ce n'est pas un petit travail que de rester soi. Ce qui est ici � noter surtout, c'est que la psychologie dite exp�rimentale et m�me la psychologie physiologique ont tout rattach� � cette fr�le armature. Il n'est point peut-�tre de m�prise plus instructive que celle-l�. � Le moi n'est qu'une collection d'�tats de conscience �; cette formule de Hume fait voir les limites de cet esprit, si vigoureux pour d�truire, si na�f d�s qu'il reb�tit ; car ne dirait-on pas que les �tats de conscience se, prom�nent comme des choses ? Cet empirisme pr�tendu est dialectique jusqu'aux d�tails. Il dit une sensation, une image, un souvenir, comme on dit une pierre, un couteau un fruit ; et il vous compose de tout cela une �me bien cousue ; mais il n'existe point d'�me bien ou mal cousue. Lagneau, homme profond et inconnu, �tait soucieux de prouver que Dieu n'existe pas, car, disait-il, exister, c'est �tre pris avec d'autres choses dans le tissu de l'exp�rience. Et que dire de ce qui pense en moi et tout autour, aussi loin que le monde veut s'�tendre ? Cela saisit et n'est point saisi. Toujours est-il qu'une m�canique ing�nieuse peut bien remuer comme une fourmi, mais non penser. Encore bien moins peut-on dire que les parties de cette machine seront perception, m�moire, sentiment. Toute perception a les m�mes dimensions que le monde, et elle est sentiment partout, m�moire partout, anticipation partout. La pens�e n'est pas plus en moi que hors de moi, car le hors de moi est pens� aussi, et les deux toujours pens�s ensemble. Vous jugerez apr�s cela sans indulgence ces jeux de paroles qui recom- posent le moi substance comme un long ruban au dedans de nous ; et encore plus s�v�rement jugerez-vous cette physiologie de l'�me qui va cherchant un casier pour la m�moire, un autre pour l'imagination, un pour la vision, et ainsi Alain (�mile Chartier) (1916), �l�ments de philosophie 153 du reste, et interpr�tant d'apr�s cela des exp�riences ambigu�s. Il est assez �tabli, par l'exemple des sciences les moins compliqu�es, que tout le difficile est de constituer des faits. Le cerveau pensant est ainsi model� d'apr�s l'�me pensante et � son image. Et ce beau travail nous ram�nerait � l'�me voyageuse, si les spirites �taient plus adroits. Mais laissons ce mat�rialisme sans g�om�- trie. Il est bon de savoir que l'�tude de ce que l'on nomme les maladies du moi a perdu beaucoup de son int�r�t, et cela d'apr�s une critique serr�e des r�ponses du malade. Un psychiatre y reconna�t ais�ment les signes de la cl�- mence, ce qui frappe de suspicion toutes les r�ponses du malade. Ainsi la psychologie exp�rimentale n'a pas avanc� sur ce point autant qu'elle l esp�rait. Alain (�mile Chartier) (1916), �l�ments de philosophie 154 Livre3 : De la connaissance discursive Chapitre XII La personnalit� Retour � la table des mati�res Une description mal ordonn�e manque ici son objet, par la richesse et vari�t� du contenu. Une col�re que j'ai, c'est moi ; et l'opinion que j'ai de cette col�re, c'est encore moi, mais autrement ; ma profession ou ma fonction, qui discipline toujours un peu l'humeur et dissimule souvent le caract�re, c'est encore moi ; il n'est pas indiff�rent que je sois paysan, ouvrier ou commer�ant, cantonnier, ge�lier ou pr�fet. Finalement, dans un homme complet, tout cela, que je viens de dire sommairement, est non seulement connu, mais jug� et surmont�, soit que, m�prisant ma fonction, je la subordonne � des maximes proprement humaines, soit qu'au contraire je d�cide de faire c�der tout devant le devoir d'ob�ir ; soit que, consid�rant l'une et l'autre vie comme des cos- tumes de politesse, je fasse amiti� plus profonde avec ce moi aimant, souffrant et inquiet que je suis seul � conna�tre, et que je ne veux point subordonner, soit qu'enfin, comme il arrive, je ne veuille me reconna�tre qu'en des mouve- ments vifs et capricieux, ce qui est une mani�re de rester enfant, toujours est-il que ce jugement sup�rieur par lequel je r�forme, je redresse ou je diminue quelque �l�ment de ma propre vie, est bien de moi aussi. Il faut m�me dire que ce refus de vivre naturellement et spontan�ment, et l'id�e qu'il d�pend de moi de m'accepter, de me refuser ou de me r�former, est justement ce qui Alain (�mile Chartier) (1916), �l�ments de philosophie 155 ach�ve la personne, par la conscience que j'en prends dans cette opposition, dans ce refus, dans ce jugement. L� se trouve le secret de toute investigation, m�me descriptive, concernant la conscience de soi ; car celui qui c�de tout � fait � la peur ne sait plus qu'il a peur ; et l'on ne se conna�t que dans le moment o� l'on se redresse, ce que le sens vulgaire du mot conscience exprime forte- ment. Mais afin d'aider l'attention descriptive devant ce mouvement toujours ascensionnel, familier � l'homme le plus simple, je crois utile de marquer ici des degr�s, afin de tracer comme une esquisse ou un canon de l'homme moyen, d'apr�s quoi chacun pourra ensuite remarquer des diff�rences et approcher un peu de l'individu. C'est la faute ordinaire des apprentis qu'ils commencent par d�crire, sans avoir dress� un tableau convenable des mots que l'usage leur offre. Et le paradoxe de l'art de penser, qui est qu'il faut aller de l'id�e au fait, se retrouve dans l'art d'�crire, puisqu'il faut exprimer l'individuel dans le langage commun. Mais ces maximes seront plus claires par l'application. Je propose d'appeler humeur ce qui est proprement biologique, j'entends la forme, la vigueur, le temp�rament, l'�ge, et en m�me temps les actions du milieu qui modifient tout cela, comme climat et r�gime. Ceux qui y portent quelque attention sont souvent dispos�s � croire que l'humeur est tout l'hom- me ; mais je ne m'engage pas volontiers en ces chemins de dialectique, car le langage commun m'avertit qu'il y a autre chose � dire de l'homme ; et quand je dis que la volont� c'est l'humeur, je trouve une notion au lieu de deux qui me sont propos�es. Or c'est une bonne r�gle de sagesse, de suivre ce pr�jug� que des mots diff�rents signalent toujours une vari�t� r�elle, et, en bref, qu'il n'y a point la moindre erreur dans le vocabulaire commun. Je ne vois point d'autre r�gle assur�e en des mati�res o� tout est vraisemblable et tout contestable. J'appellerais caract�re l'humeur reconnue et jug�e comme telle ; ce qui ne veut point dire que le caract�re ne soit rien de plus que l'humeur ; car, d'un c�t�, le caract�re est toujours une humeur simplifi�e, et dont les vraies causes sont fort mal connues ; un homme peut savoir qu'il est jaloux et ne pas bien savoir en quoi cette disposition d�pend du temp�rament, du climat, et m�me du r�gime ; le passionn� ne trouve presque jamais de lui-m�me qu'il devrait se priver de caf� ou faire un voyage ; et de l'autre c�t� il ne se peut pas que cette id�e imparfaite qu'il forme de sa propre nature ne le modifie pas beaucoup ; savoir qu'on est paresseux est autre chose qu'�tre paresseux. Quand on dit qu'un homme a un certain caract�re, qu'on peut craindre, ou sur quoi aussi l'on peut s'appuyer, on exprime que cet homme a des maximes et des opinions sur lui-m�me, qu'il croit vraies, et auxquelles il se conforme, comme on voit
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